Le corps comme lien entre la terre et l’éternité. La momification, pratique emblématique de l’Égypte ancienne, repose sur une philosophie simple : préserver le corps pour permettre à l’âme de le rejoindre dans la vie éternelle.
Selon une maxime ancienne : « Conserver le corps des rois, les grâces abonderont. » Le terme même de « momification » dériverait du mot désignant le séchage du poisson. Ce processus, véritable « carte d’identité » du défunt, variait selon la classe sociale. Il ne concernait pas uniquement les humains : les animaux sacrés, tels les chats, crocodiles, ibis ou lions, étaient eux aussi embaumés. Selon l’archéologue Zahi Hawass, le rituel complet durait soixante-dix jours.
La mort, une étape vers la vie éternelle
Pour les anciens Égyptiens, la mort n’était pas une fin, mais un passage. Elle se divisait en deux phases : la séparation de l’âme et du corps, puis la décomposition de ce dernier. Afin d’éviter cette corruption, ils cherchaient à préserver le corps, convaincus que l’immortalité dépendait de son intégrité.
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Le penseur égyptien Salama Moussa rappelle que , dans L’Égypte, berceau de la civilisation “ la momification précéda la construction des tombes. Les Égyptiens croyaient que le corps d’un roi ou d’un prêtre conservé assurait fertilité et abondance à la terre. Tant que son corps demeurait intact, les moissons prospéraient”.

Du séchage du poisson à la science du corps
La technique aurait été inspirée du séchage du poisson du Nil, une industrie populaire déjà maîtrisée. Hérodote, au Ve siècle av. J.-C., en fut témoin : les Égyptiens savaient qu’en vidant, salant et séchant un poisson, ils empêchaient sa décomposition. Cette connaissance fut transposée au corps humain : l’éviscération, le salage et le séchage devinrent les piliers du processus d’embaumement.

L’archéologue Ahmed Saleh, dans son ouvrage "La Momification, philosophie de l’éternité en Égypte ancienne " , rappelle que le mot le plus ancien pour désigner cette science est waat (ou wati), apparu dès les débuts de l’écriture égyptienne. Il désigne l’enroulement du corps dans des bandelettes de lin.
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Un rituel long et secret
Certaines traditions ont survécu jusqu’à nos jours, comme la commémoration des quarante jours après le décès. Durant cette période, le corps était plongé dans une solution saline avant d’être traité avec des résines aromatiques et enveloppé de lin. Craignant que l’âme ne reconnaisse pas le corps, les Égyptiens plaçaient au-dessus de la momie un portrait peint, puis des statues de bois ou de pierre. L’or, censé prolonger la vie, accompagnait souvent le défunt.

Les ateliers de momification : des lieux sacrés
Les lieux de momification, appelés Waabt (l’« endroit pur »), se trouvaient souvent près des tombes, notamment à l’ouest de Thèbes. Ils étaient construits en briques crues, avec parfois huit colonnes soutenant le toit, comme à Gizeh. Le papyrus Annie, conservé au British Museum, décrit ces ateliers divisés en trois sections : une pour le lavage, une pour le séchage, et une troisième pour l’enroulement des bandelettes.

Deux autres espaces complétaient le Waabt :
Ibo, la « tente de désinfection », faite de bois et de palmes, reliée à une source d’eau ;
Bar Nafar, la « belle maison », dédiée aux parfums, peintures et linges.
Les prêtres-embaumeurs, dont les noms restent méconnus, gardaient leurs secrets jalousement. Celui qui ouvrait le corps était surnommé « le coupeur », tandis que le prêtre principal, masqué en Anubis, portait le titre de Ami Rwat, le superviseur du rituel.

Des papyrus comme manuels techniques
Des papyrus datant des époques grecque et romaine — tels que ceux du British Museum, du Louvre et du Musée égyptien du Caire — détaillent le processus. Le chantre Ghara Habbat récitait les prières tandis que les embaumeurs exécutaient les gestes. Chaque momie possédait sa fiche d’identité : un papyrus du IIᵉ siècle décrit les informations fournies par la famille et précise que le coût du rituel dépendait du rang social.
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Trois méthodes, trois classes
Hérodote distingue trois niveaux de momification :
1. La méthode royale, la plus complète, utilisant des matériaux précieux importés du Liban, de Syrie, de Grèce ou de Somalie.
2. La méthode intermédiaire, réservée à la classe moyenne, utilisant l’huile de cèdre pour dissoudre les viscères avant séchage.
3. La méthode populaire, consistant à sécher et enrober le corps sans extraction interne.

Six étapes vers l’immortalité
Le rituel complet comportait six étapes :
1. Lavage et purification à l’eau et au sel de natron.
2. Extraction du cerveau et des viscères, nettoyés et déposés dans des vases canopes, sauf le cœur, symbole de la conscience.
3. Remplissage du corps avec du lin et des substances aromatiques.
4. Séchage pour éliminer toute humidité.
5. Massage et onction avec des huiles, graisses et résines (cèdre, encens, cire d’abeille).
6. Enroulement dans les bandelettes de lin, accompagné d’incantations du Livre des morts.
Une science de la vie éternelle
Pour l’archéologue Ahmed Badran, “la momification constitue le cœur spirituel de la civilisation égyptienne : une alliance entre science, religion et symbolisme”. L'imminent archéologue Zahi Hawass précise que le rituel durait soixante-dix jours : quarante consacrés à la purification et trente à l’embaumement et à la mise au tombeau.

La découverte du tombeau n° 63 dans la Vallée des Rois, contenant huit cercueils et l’ensemble du matériel d’embaumement, a permis de confirmer la précision de ces rites vieux de plus de trois millénaires.
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