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Au fil de l’Histoire

Au Caire, le musée de Tahrir cherche son second souffle à l’ombre du Grand Musée égyptien

Égyptologie

Longtemps cœur battant de l’égyptologie mondiale, le musée égyptien du Caire, inauguré en 1902 sur la place Tahrir, se trouve aujourd’hui à un tournant décisif de son histoire. Alors que le Grand Musée égyptien (GEM), aux portes des pyramides de Gizeh, s’impose comme la nouvelle vitrine monumentale de l’Égypte antique, l’avenir de ce bâtiment emblématique du centre-ville suscite interrogations et débats. 

C’est dans ce contexte que le ministre égyptien du tourisme et des antiquités, Chérif Fathy, a réuni, le 25 novembre, un aréopage de responsables et d’experts afin de repenser le rôle et le devenir de cette institution centenaire.

L’enjeu est de taille : comment préserver l’âme d’un musée mythique sans le condamner à devenir un simple vestige du passé muséal égyptien ? « Le musée de Tahrir représente une valeur historique exceptionnelle, impossible à reproduire », a insisté le ministre, rappelant que l’ouverture du GEM ne saurait signer le déclin de son aîné. Bien au contraire, le musée du centre du Caire est appelé à continuer de jouer un rôle central dans le paysage culturel national, en offrant une expérience différente, complémentaire, fondée sur la densité et la rareté de ses collections.

Autour de la table figuraient plusieurs grandes figures de l’archéologie égyptienne, parmi lesquelles Zahi Hawass et Mamdouh Eldamaty, tous deux anciens ministres des antiquités, ainsi que les principaux responsables du Conseil suprême des antiquités et des musées nationaux. Tous partagent le même constat : malgré le déplacement de nombreuses pièces majeures vers le GEM, le musée de Tahrir demeure une référence mondiale pour les chercheurs, les étudiants et les amateurs d’égyptologie. Ses galeries, souvent perçues comme surchargées, constituent aussi un témoignage unique d’une muséographie héritée du début du XXᵉ siècle.

La réflexion engagée vise ainsi à transformer cette contrainte en atout. Parmi les pistes évoquées figurent une redéfinition claire de l’identité du musée, une amélioration de l’expérience de visite et des services, ainsi que la création d’une nouvelle identité visuelle. L’objectif n’est pas de rivaliser avec la modernité spectaculaire du GEM, mais de repositionner le musée de Tahrir comme une porte d’entrée intellectuelle et sensible vers la civilisation pharaonique, un lieu où l’histoire de l’égyptologie elle-même est racontée.

« Le musée égyptien restera la principale porte d’accès à l’esprit de la civilisation égyptienne », a affirmé Mohamed Ismaïl Khaled, secrétaire général du Conseil suprême des antiquités, soulignant la dimension éducative et scientifique de l’institution. Depuis plus d’un siècle, ses collections constituent un corpus de référence incontournable, et il n’est pas question, selon lui, de laisser son rôle s’éroder face aux musées ultramodernes.

À l’issue de la réunion, le ministre a demandé l’élaboration d’un plan stratégique global, déployé par étapes, destiné à identifier les points forts du musée et à définir une vision claire pour son avenir. Ce plan devra également s’accompagner d’un discours de communication cohérent, capable de réinscrire le musée de Tahrir dans l’imaginaire du public international.

Derrière cette démarche se dessine une ambition plus large : faire coexister, au Caire, deux modèles muséaux distincts mais complémentaires. D’un côté, le Grand Musée égyptien, vitrine technologique et monumentale tournée vers le XXIᵉ siècle ; de l’autre, le musée de Tahrir, gardien d’une mémoire scientifique et patrimoniale irremplaçable. Un dialogue entre passé et présent, à l’image de l’Égypte elle-même, qui cherche à conjuguer héritage et renouveau sans renier l’un au profit de l’autre.