Bien avant les académies grecques ou les écoles de l’Empire romain, l’Égypte pharaonique avait élaboré un système éducatif structuré, reposant sur des principes de discipline, de transmission et de hiérarchie du savoir.
Selon la chercheuse Nagat Essam, spécialiste de l’histoire de l’Égypte ancienne, les Égyptiens furent parmi les premiers peuples à organiser un enseignement régulier, à instaurer des écoles et à concevoir une forme de lutte contre l’ignorance. Ils connaissaient également la notion d’éducation domestique, dispensée au sein des familles nobles.
Une organisation précoce du système scolaire
L’âge d’entrée à l’école se situait autour de dix ans. L’enseignement était initialement réservé aux fils de rois, de nobles et de hauts fonctionnaires, avant de s’étendre progressivement à d’autres catégories sociales avec le développement administratif du pays.
Les établissements scolaires se diversifiaient selon leur vocation : certaines écoles formaient à la gestion et au commerce, d’autres à la carrière militaire, ou encore aux sciences religieuses dans les temples.
L’école portait en égyptien ancien le nom de “Per-Ankh”, littéralement “Maison de Vie”. Ce terme désignait à la fois un lieu d’enseignement et un centre de production intellectuelle. On employait également “Aat-Seba”, “la place du savoir”.
Dès le Moyen Empire, les Égyptiens mirent en place de véritables écoles publiques et produisirent les premiers manuels scolaires. Les fouilles archéologiques ont révélé l’existence d’écoles dans plusieurs grandes cités : Thèbes (notamment au Rhamesséum et à Deir el-Médina), Tell el-Amarna fondée par Akhénaton, Abydos, Héliopolis (On), ou encore Tell Basta dans le Delta.
Les “Maisons de Vie” : institutions du savoir
L’école portait en égyptien ancien le nom de “Per-Ankh”, littéralement “Maison de Vie”. Ce terme désignait à la fois un lieu d’enseignement et un centre de production intellectuelle. On employait également “Aat-Seba”, “la place du savoir”.
Le maître, appelé Sebaw, était considéré comme un guide, détenteur de la lumière du savoir.
Chaque école disposait d’une bibliothèque, appelée “Peret-Seshou” — “Maison des manuscrits”. Ces bibliothèques renfermaient des papyrus couvrant de multiples disciplines et étaient placées sous la protection de la déesse Seshat, patronne de l’écriture et de la connaissance.
Les cours se tenaient souvent en plein air, dans des cours ouvertes, où les élèves s’asseyaient autour du maître. Ce modèle d’apprentissage, fondé sur l’échange direct, rappelle certaines méthodes pédagogiques modernes.
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Un enseignement structuré en trois niveaux
1. L’école élémentaire
Le premier niveau correspondait à l’apprentissage des bases : lecture, écriture, calcul et religion. L’enseignement combinait pédagogie et discipline, et les élèves s’exerçaient à l’aide de fragments de poterie ou de calcaire, le papyrus étant réservé aux scribes confirmés.
À l’issue de cette formation, l’élève pouvait devenir scribe stagiaire dans un bureau administratif.
2. L’école des scribes
Ce second niveau constituait une formation professionnelle. Le scribe y apprenait les usages administratifs, la rédaction de documents officiels, ainsi que les calculs complexes. L’enseignement était assuré par des maîtres expérimentés.
Cette étape visait à préparer les futurs cadres de l’administration pharaonique, garants de la gestion économique et politique du royaume.
3. L’enseignement supérieur
Selon le Dr Saïd Ismaïl, auteur de La civilisation égyptienne ancienne, la troisième étape équivalait à une forme d’enseignement supérieur. Les élèves y approfondissaient des disciplines spécialisées telles que la médecine, la mathématique, l’astronomie ou les arts.
Ces écoles étaient souvent rattachées aux temples et aux palais royaux. On y rédigeait des traités techniques et religieux, constituant les premières productions scientifiques connues.
Les disciplines enseignées
Les programmes éducatifs de l’Égypte ancienne comportaient six matières principales : la langue, la littérature, la médecine, l’astronomie, les mathématiques et les arts.
L’écriture, considérée comme un don divin, tenait une place centrale. Elle évolua progressivement vers un système phonétique complexe permettant une grande précision linguistique.
La littérature, selon l’égyptologue Selim Hassan, jouait un rôle essentiel dans la formation du scribe. Elle mêlait prose, poésie et textes moraux ou religieux. Des œuvres telles que la Plaidoirie du paysan éloquent ou la Papyrus d’Ani témoignent d’une réflexion sur la justice, la morale et la condition humaine.
Les sciences et les arts dans la formation
Le Dr Abdelrahim rappelle que les sciences médicales et pharmaceutiques occupaient une place importante dans le cursus.
La pratique de la momification avait permis aux Égyptiens de développer une connaissance approfondie du corps humain, ouvrant la voie à des avancées remarquables en anatomie, en chirurgie et en traitements médicamenteux, comme en témoignent les papyrus médicaux conservés dans plusieurs musées.
Les sciences astronomiques furent également développées à un haut niveau. Grâce à l’observation du ciel, les Égyptiens établirent un calendrier agricole précis, fondé sur le cycle des crues du Nil.
Les arts visuels et musicaux faisaient partie intégrante de l’éducation : la peinture, la sculpture, la musique et l’architecture étaient enseignées selon des règles strictes, mêlant technique et symbolisme religieux.
Mathématiques et ingénierie
Les Égyptiens maîtrisaient dès l’époque de la XIIᵉ dynastie les principes fondamentaux des mathématiques. Les papyrus retrouvés contiennent des démonstrations détaillées de calculs de surface, de volumes, de divisions et de racines carrées.
Cette rigueur mathématique permit l’édification des pyramides, des temples et des ouvrages hydrauliques.
Comme le souligne le Dr Saïd Ismaïl, la perfection architecturale de ces monuments demeure la preuve tangible de la maîtrise scientifique des anciens Égyptiens.
Une civilisation du savoir
L’Égypte pharaonique ne fut pas seulement une civilisation des monuments et des dieux : elle fut aussi une civilisation du savoir, où l’éducation constituait un pilier essentiel de la société.
Les “Maisons de Vie”, véritables centres de recherche et d’enseignement, témoignent d’une conception du savoir comme instrument de puissance, d’ordre et de continuité.
Elles demeurent, dans l’histoire universelle, l’un des premiers modèles d’organisation éducative fondés sur la transmission du savoir, la discipline et la recherche intellectuelle.
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